R2 psychiatrie – Queen’s University
résident-résidentepsychiatrie Queen’s University
juillet 2016
À propos de moi
Je m’appelle Anees Bahji, je suis en deuxième année de résidence (R2) en psychiatrie à l’Université Queen’s de Kingston (Ontario). Je suis né à New Westminster (C.-B.) et j’ai étudié à l’Université Simon Fraser. J’ai obtenu mon diplôme de médecine à l’Université de la Colombie-Britannique.
J’adore ça! La psychiatrie est tellement agréable et intéressante. Je crois que tous les résidents devraient passer du temps en stage ou en situation d’apprentissage en psychiatrie. Je suis le genre de personne qui aime faire beaucoup de choses différentes et la psychiatrie m’offrait de la variété. J’aime aussi les gens avec qui je travaille et même nos conversations informelles au sujet de la santé mentale. Ce domaine évolue vraiment : chaque jour, nous en apprenons davantage sur le cerveau. Il est vraiment formidable de faire partie de ce mouvement, de savoir que ce que nous faisons aujourd’hui est bien différent que ce qui pourrait avoir été fait ne serait-ce que 5 ou 10 ans auparavant. Bien entendu, mes expériences cliniques et mes stages ont aussi eu un impact considérable sur ma décision; j’ai vécu une expérience vraiment merveilleuse en psychiatrie pendant mon externat.
Vie clinique
En quoi consiste une journée typique de tâches cliniques?
Cela dépend vraiment du domaine psychiatrique dans lequel on travaille, de l’horaire de garde, du contexte particulier et de la charge de travail. Les tableaux qui suivent présentent l’horaire quotidien et hebdomadaire d’un stage en psychiatrie de l’adulte hospitalisé.
Quels types de stages cliniques sont requis dans votre programme?
Il y a beaucoup de variété dans ce que nous faisons, alors je vais les présenter par année :
R1 : Nous commençons avec 3 blocs-stages en psychiatrie (j’ai fait 2 blocs en psychiatrie du patient adulte et 1 en consultation-liaison, mais certains de mes collègues ont fait leurs premiers stages en épisodes de psychose, en psychiatrie d’urgence ou en pédopsychiatrie), 2 en médecine familiale, 2 stages optionnels (j’ai choisi la psychiatrie médicolégale et c’était fascinant; et un bloc-stage en recherche – dont je parlerai plus tard), 1 bloc-stage en médecine interne, 2 en neurologie, 1 en médecine d’urgence, 1 en pédopsychiatrie et 1 en gériatrie.
R2 : Cette année est entièrement consacrée à la psychiatrie de l’adulte, il n’y a pas de stages optionnels. J’ai 6 blocs-stages en psychiatrie de l’adulte hospitalisé, 2 en psychiatrie d’urgence et 5 en psychiatrie de l’adulte en clinique externe.
R3 : C’est l’année des extrêmes d’âge en psychiatrie, sans cours optionnels encore une fois. Je ferai 6 à 7 blocs-stage en pédopsychiatrie et 6 à 7 blocs en psychiatrie gériatrique. La répartition est presque égale entre les patients hospitalisés et les consultations externes, et certains d’entre nous se rendent à l’extérieur de Kingston pour le travail en gériatrie.
R4 : C’est une année intéressante. Il y a quelques blocs-stages en réadaptation des patients atteints de maladies chroniques. Ces stages ont lieu dans notre établissement pour malades chroniques, l’Hôpital Providence Care, où nous travaillerons avec des patients qui ont des maladies mentales plus graves et persistantes. Il y a aussi quelques blocs-stages en « soins partagés », pendant lesquels le résident travaille comme consultant auprès d’une équipe de santé familiale – je crois que ce stage sera agréable. Et il y a quelques blocs stages de plus, comme la toxicomanie et la psychiatrie communautaire.
R5 : Eh bien, la fin est proche, comme on dit (je crois qu’il s’agit de l’examen du Collège royal!). En R5, les résidents approfondissent leurs compétences, choisissent des stages optionnels et se préparent à une carrière. De nombreux résidents de cinquième année sont appelés « médecins traitants juniors » à cause de l’augmentation de leurs responsabilités. Il y a plusieurs possibilités de stages optionnels – en toxicomanie, en pédopsychiatrie, en psychiatrie gériatrique, médicolégale ou reproductive, en psychiatrie d’urgence et bien entendu, il est possible de voyager! Nous pouvons passer jusqu’à 6 mois à l’extérieur de l’Université Queen’s, alors je prévois assurément prendre connaissance des programmes offerts ailleurs (Dubai, ça intéresse quelqu’un?).
Quelles caractéristiques de votre personalité ont été particulièrement utiles dans votre domaine?
C’est une question difficile. Je dirais que je suis une personne très résiliente et que j’ai bâti cette résilience tout au long de ma vie. Je me suis heurté à de nombreux obstacles et je crois que chacun d’entre eux m’a aidé à devenir plus fort. Je dirais que j’ai aussi un très bon sens de l’humour, ce qui m’a aidé à voir la lumière au bout du tunnel. Si on peut en rire, ça ne doit pas être si grave!
Quels sont les meilleurs aspects de votre résidence?
J’adore les gens avec qui je travaille. Ils sont tous si beaux, chacun à leur manière. Je ne peux vous dire à quel point c’est une joie de travailler avec mes collègues résidents et notre personnel. Notre programme est si diversifié – nous avons des gens de partout dans le monde. Certains d’entre eux ont fait une formation en psychiatrie auparavant, alors ils ont été des mentors merveilleux pour moi, de grands amis, et avons souvent l’occasion de rire ensemble. Récemment, j’ai participé à la cérémonie de remise de diplôme des résidents en R5 et j’ai pu constater qu’ils ont vraiment aimé leur expérience en résidence. Je suis sûr que ce sera le cas pour moi aussi.
Quels sont les plus grands défis de votre résidence?
Il est parfois difficile d’être psychiatre. Il faut trouver un équilibre, faire preuve d’empathie tout en gardant un certain niveau de distance professionnelle. En fait, il est vraiment difficile d’être professionnel cent pour cent du temps. Les histoires des patients peuvent être choquantes, bouleversantes ou même nous mettre en colère, mais nous devons cependant être présents pour ces patients. Nous sommes tous humains et nous faisons tous face à des défis tout au long de notre vie. Je crois que se souvenir de l’humanité des gens peut grandement contribuer à préserver notre intégrité. Un psychiatre avec qui j’ai travaillé m’a dit un jour que les maladies psychiatriques dépouillent les gens de leur humanité et que lorsque je travaille avec des patients, je peux contribuer à restaurer une partie de leur humanité. Cela m’a profondément touché et c’est une chose dont j’essaie de me souvenir lorsque je travaille avec des cas plus difficiles. L’autre jour, j’ai aussi été très touché par un billet publié par Humans of New York. Un homme parlait de sa mère qui avait lutté contre l’alcoolisme toute sa vie. Mais ce qui m’a vraiment interpellé, c’est lorsqu’il a dit : « Ma mère haïssait l’alcoolique en elle et cet alcoolique haïssait ma mère. » Cela m’a vraiment fait changer de perspective. Les gens ne se réveillent pas un matin en décidant de devenir alcooliques, dépressifs ou schizophrènes. D’une certaine façon, les témoignages des gens aux prises avec la maladie mentale viennent confronter cette stigmatisation qui entoure la santé mentale.
Quelle question vous pose-t-on le plus souvent au sujet de votre résidence?
Je vais éviter de dire « Pourquoi tu es devenu psychiatre? », parce que je crois que c’est ce que répondent la plupart des psychiatres avant de vous donner toutes les raisons pour lesquelles ils ont fait ce merveilleux choix de carrière. Une question qui m’a vraiment marquée m’a été posée par un de mes proches qui m’a demandé pourquoi je n’avais pas opté pour l’une des « vraies » branches de la médecine. Ça m’a d’abord fait de la peine, parce que je crois que la psychiatrie est incroyablement vraie, parfois même trop. De temps en temps, ses propos me troublent encore parce que je me demande si d’autres résidents en psychiatrie, ou des étudiants en médecine qui envisagent la psychiatrie, sont confrontés à la perception des autres à l’égard de notre spécialité. Je crois qu’il est sage de dire que même si vous avez la pêche la plus juteuse de l’arbre, il y aura toujours quelqu’un qui n’aime pas les pêches. Il est impossible de faire le bonheur de tout le monde, mais cela ne devrait pas vous empêcher de faire ce que vous voulez et de devenir la personne que vous souhaitez être. Au Canada, plus de 4 millions de personnes souffrent de maladie mentale et quelqu’un doit être là pour eux. J’ai le sentiment de faire une différence même si je ne vois, ne traite et ne collabore qu’avec un petit nombre de patients. Et pour moi, cela compte beaucoup plus que d’être bien vu de quelqu’un.
Pouvez-vous décrire votre transition de l’eternat à la résidence?
La transition a été intéressante. Des amis et des collègues m’avaient dit que la transition entraînerait une augmentation des responsabilités et de la rédaction d’ordonnances, mais j’avais beaucoup de responsabilités à l’externat et je cosignais déjà beaucoup d’ordonnances. Alors pour moi, ce n’est pas ça qui a été le plus difficile. Il était tellement étrange de s’habituer à dire : « Bonjour, je suis le Dr Bahji. » C’est encore étrange! Je me pose la question : « Qui suis-je maintenant? » Me mettre dans l’état d’esprit d’être maintenant un MÉDECIN, parce que c’est un mot très fort, voilà ce qui a été le plus difficile. C’est devenu un peu plus facile avec le temps. Même si des études ont démontré que le public a moins confiance aux médecins maintenant qu’il y a 10 ou même 20 ans, les gens partagent tout de même leurs moments les plus intimes avec les médecins, particulièrement avec les psychiatres, et leur confient des choses difficiles. Il est très important de le reconnaître. Le simple fait de savoir que des gens viennent me demander de l’aide me fait chaud au cœur. Aider les gens, c’est ce que j’ai toujours voulu faire, et maintenant, je le réalise enfin. C’est une grande joie.
Quels sont vos plans de pratique futurs?
Je n’en ai vraiment aucune idée. Et je le dis de la meilleure façon possible, parce que j’ai plusieurs options. En tant que psychiatre, vous pouvez travailler n’importe où et faire ce que vous voulez : faire des stages postdoctoraux, travailler à l’étranger, travailler en clinique privée, en milieu hospitalier, privé ou carcéral, en télépsychiatrie, en psychiatrie médicolégale, en pédopsychiatrie, en psychiatrie gériatrique, en neuropsychiatrie… la liste est longue. On peut choisir de faire ou non de la recherche. Je travaille actuellement à des projets de recherche, mais je suis d’avis qu’il ne faut se lancer en recherche que si ça nous intéresse vraiment.
Honnêtement, il se passe tellement de choses formidables en psychiatrie, c’est le domaine de l’heure! Par exemple, un psychiatre avec qui j’ai travaillé en C.-B mène une étude extrêmement intéressante sur l’utilisation de la kétamine dans le traitement de la dépression – n’est-ce pas fascinant?
Comment sont vos collègues résidents, et comment interagissez-vous?
Je les aime tous tellement! Ce sont des gens merveilleux qui m’ont vraiment aidé à m’accoutumer à Kingston. Au début, lorsque je venais de déménager ici, j’ai trouvé ça vraiment difficile et je m’ennuyais terriblement de Vancouver. Mais si vous avez de bons amis, vous pouvez vivre presque n’importe où. Et je crois que Kingston est hyper cool! Je n’ai que des choses positives à dire au sujet de mes collègues résidents et j’ai hâte à l’été pour que nous puissions faire plus de barbecues, d’événements en plein air et profiter de la belle température estivale de Kingston.
Vie non clinique
Quels sont vos intérêts autres que cliniques (activités de leadership ou de recherche, par exemple)?
Je n’ai pas fait beaucoup d’activités non cliniques – ma première année de résidence a été vraiment difficile parce que j’ai fait beaucoup de stages hors programme, mais beaucoup d’autres résidents participent à des activités non cliniques. Il y a de nombreux comités hospitaliers et les résidents peuvent même être siéger au sénat de l’Université ou participer à d’autres programmes affiliés à l’Université. L’une des choses que j’ai faites, c’est de me joindre à la campagne pancanadienne Choisir avec soin, qui donne des recommandations sur les prescriptions sûres, les examens de laboratoire, les analyses sanguines et autres choses du genre. Une bonne partie de ces choses relèvent du bon sens, mais elles sont faciles à oublier lorsque vous êtes occupé en travail clinique. Cette initiative est donc très utile.
La recherche! Faites de la recherche si cela vous intéresse vraiment, sinon vous n’obtiendrez pas un bon résultat. Je collabore avec un psychiatre extraordinaire et nous envisageons un projet sur le thème de la toxicomanie. Nous travaillons à une revue de la littérature – nous savons qu’il existe certains traitements pour les gens souffrant d’alcoolisme, de dépendance aux opioïdes et pour les fumeurs, mais existe-t-il des médicaments efficaces pour les personnes souffrant d’une dépendance à la marijuana? C’est ce que j’essaie d’établir dans le cadre de mon projet. Restez à l’écoute pour en savoir davantage!
Décrivez votre équilibre entre le travail et la vie personelle? Comment-y arrivez-vous?
Je crois que la raison pour laquelle je fonctionne bien comme résident c’est parce que je laisse le travail au bureau, ce que beaucoup de résidents ont du mal à faire. Dès que j’ai fini ma journée, j’éteins mon téléavertisseur, je quitte le travail et je n’y pense pas avant mon retour le lendemain. Cela me permet de me garder frais et dispos et m’aide à être le meilleur psychiatre possible.
Je suis extrêmement actif. Je me déplace partout à vélo, je pratique plusieurs sports et actuellement, je joue beaucoup au tennis, je fais des randonnées avec mes copains, des promenades en nature, je vais nager et j’ai même essayé le karaté. J’ai aussi une routine stricte d’entraînement quotidien au gym – je ne prends pas de journée de repos! Honnêtement, ça me donne beaucoup de plaisir, j’aime vraiment ça et je me sens en santé et heureux quand je suis actif.
Mais prendre soin de son corps n’est pas suffisant. J’ai suivi un cours de 6 semaines en méditation de pleine conscience et cela a vraiment changé ma vie. La pleine conscience est très simple. Il faut être conscient de ce que l’on voit, sent, entend et de ce que l’on ressent. Prendre contact avec notre corps. Sortir de notre tête pour entrer dans notre corps. Je fais du yoga de temps en temps et j’essaie de faire un « scan » de mon corps quelques fois par semaine (passer consciemment en revue tout mon corps, en portant attention à tout ce qui se passe et à tout ce que je ressens; ça fonctionne particulièrement bien quand on se sent très excité ou très fatigué et je me sens tellement bien après).
Je crois que si vous prenez bien soin de vous, vous aurez une vie longue et prospère, mais vous devez commencer tôt à prendre bien soin de vous-même. Le sommeil est important, mais chaque personne est différente. Certaines en ont besoin de plus, d’autres de moins. Déterminez combien de sommeil il vous faut et prévoyez dans votre horaire vos périodes de sommeil. C’est une priorité pour moi parce que je sais que si je ne dors pas bien, je ne suis pas performant.